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Réunion plénière en visio - Samedi 26 juin 2021 de 10h à 12h30

Le monde associatif peut-il viser plus que la seule réparation des dégâts des politiques néo-libérales ?



  • Le monde associatif peut-il viser plus que la seule réparation des dégâts des politiques néo-libérales ?
  • Comment agir contre les inégalités sociales, les catastrophes écologiques, etc. ?
  • Quels sont les leviers à activer pour permettre aux initiatives citoyennes associatives de donner la pleine mesure de leurs potentiels ?
  • Comment contribuer à de véritables changements systémiques pour une société plus solidaire, soutenable et participative ?
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La Vidéo Facebook à voir ICI

Animée par Lucie Lambert (Ufisc) cette discussion propose l'exposée préliminaire de deux philosophes, un belge et un français Luc Carton et Christian Maurel, qui s’intéressent de près aux notions de communs, de droits culturels et d’éducation populaire, d’économie solidaire, de « bifurcation »

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PRÉSENTATION DES DISCUTANTS

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Luc Carton est philosophe. Militant de l’Éducation populaire, il est aujourd’hui vice-président de l’Observatoire de la diversité et des droits culturels de Fribourg (Suisse). Il est également chercheur associé auprès de l’Association Marcel Hicter pour la démocratie culturelle (Bruxelles). A ce titre, il conduit une recherche-action, en France, pour une politique publique de la démocratie culturelle. En Belgique, il a été l’un des acteurs de la mutation de deux décrets récents: l’un sur les Centres culturels (2013), l’autre sur l’Éducation permanente/populaire (2018).

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Christian Maurel : de formation philosophique (admissibilité agrégation), titulaire d’un Diplôme d’Études Approfondies interdisciplinaire (sociologie, anthropologie, histoire), docteur en sociologie (École des Hautes Études en Sciences Sociales – thèse dirigée par Jean-Claude Passeron), ancien directeur de MJC et délégué régional de la FFMJC, ancien professeur associé à l’Université de Provence (Aix-Marseille I).

RÉSUMÉ DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA DISCUSSION : INTERVENTION DE LUC CARTON

Le plan de l'intervention en trois temps
Tout d'abord, une lecture du contexte caractérisé par ce qu'on peut appeler une "crise de régime"
Ensuite éclaircir le concept de "monde associatif" : qu'est-ce que le monde associatif ? L'appelation induit une unité qui est loin d'être évidente, le monde associatif est pluriel, quelles sont ses composantes et comment ses composantes se situent par rapport à la question centrale qui est le changement de système.
Enfin pour répondre à la question, il s'agit d'identifier de possibles leviers permettant d'envisager ce changement systémique.

1/ Le contexte de "crise de régimes"
La crise de la démocratie représentative avec ses symptômes (niveau d'abstention par exemple) ne fait plus l'objet de déni et au contraire ce constat est maintenant largement partagé.
Ceci dit, peut-être faut-il commencer à approfondir cette analyse en distinguant deux composantes de la crise de la représentation car il y a la représentation entendue comme "délégation" (un mandat donné pour prendre des décisions en notre nom) mais il y a aussi la représentation comme vision du monde, manière de se re-présenter le monde.
Cela engendre un immense travail à faire sur les représentations du monde, sur nos représentations du monde... C'est pourquoi les savoirs expérientiels sont importants.

À cette crise de la démocratie représentative, s'ajoute la crise du capitalisme actuel c'est à dire du capitalisme financiarisé, informationnel... Capitalisme qui s'est développé en capitalisant (en quelque sorte) sur l'absence de démocratie économique (cf référence à J. Donzelot)

Quel est le sens de ce qu'on produit ? Quel est le sens du travail ? Quel est le sens de la consommation ? Les réponses à ces questions sont d'ordre culturel et c'est l'absence de ces débats culturels qui contribue à ces deux crises (crise du régime démocratique et la crise du régime productif)
Pour penser ces deux crises, Alain Touraine nous propose le concept de "paradigme culturel" pour penser la manière dont se sont posés successivement dans l'histoire les enjeux essentiels
- il y a eu le paradigme politique de 1789 à 1848 au moment de l'enjeu consistant à construire un État de droit et des institutions politiques, la question était alors : qui a le pouvoir, qui a les postes de pouvoirs ?
- il y a eu ensuite le paradigme économique. Illustré par la phrase de Lamartine "à quoi bon avoir le droit de vote si on a pas de pain", dans ce paradigme la question centrale n'est plus celle de la répartition du pouvoir politique, institutionnel mais de la répartition des richesses.
Cela a ouvert la voie au développement social-démocrate avec comme apogée du compromis la mise en place de la sécurité sociale.
Dans ce contexte d'après-guerre, la notion de "trente glorieuse" est à interroger car ces décennies n'ont peut-être de glorieuses que le nom, en effet, elles s'appuient sur :
- l'exploition du sud
- le massacre du vivant
- la fabrication du non-sens de nos vies (exemple vrai et triste de ce "non-sens" de nos vies : les messages commerciaux nous invitant à investir dans des EPHAD... Derrière la fourchette de rendement annuel, il y a la maltraitance de nos ainés !)

La question centrale n'est donc plus politique ou économique mais culturelle au sens de sens ou non sens de nos vies !... Et cela est d'autant plus vrai que le capitalisme s'est, entre temps, déporté vers la culture, il vend aujourd'hui du temps de cerveau disponible à Coca-cola.. Ce nouveau capitalisme industrialise les manières de voir et les manières de croire, donc il industrialise la culture.

2/ Dans ce contexte que peut le monde associatif ? Répondre à cette question nécessite de répondre à une question préalable : qu'est-ce qu'on appelle le monde associatif ?
En effet, le "monde associatif" n'est pas un sujet collectif, loin s'en faut.
Il est divisé et reproduit les segmentations qui conduisent aux crises de régimes décrites plus haut... ce qui participe à sa difficulté à toucher au coeur de conflit, càd à poser les vraies questions-leviers.
Cette division du travail associatif par secteur prive les acteurs d'une vison globale. Ainsi pour les associations culturelles les enjeux économiques sont invisibles (alors qu'ils sont là, déterminants !), les associations du travail social sont piégées car ont dans leur impensé les dimensions économiques et culturelles de leurs actions... Les structures de l'ESS sont piégés dans leurs statuts de colibris pacifiques qui pèsent rien par rapport au poid des éléphants incendiaires de la savane ! Les syndicats même sont piégés par l'indiscutabilité des enjeux économiques fondamentaux (la croissance, l'emploi par exemple) Enfin les associations qui portent des plaidoyers sont piégés par un associationnisme qui ne ferait pas conflit et mise en débat sur la démocratie elle-même.

Si on prend au sérieux ce "paradigme culturel" d'Alain Touraine alors libérer la puissance associative pour lui permettre de se démultiplier et d'acquérir une capacité de transformation systémique de la société, ne pourra se faire qu'au prix d'une entente sur le coeur de conflit càd se mettre d'accord sur la question centrale, celle afférante au sens ou au non-sens de nos vies (question profondement culturelle s'il en est). Et plus précisément de nos vies de sujet contemporain cherchant à "faire société"
Ce sujet doit se sentir sollicité, autorisé, "auteurisé" (au sens de devenir auteur) à se représenter le monde, bref à exercer ses droits culturels et les dimensions culturelles des droits humains.
L'action associative consiste donc en partie à inviter les personnes à faire récit de leurs conditions, accoucher et mobiliser leurs savoirs sociaux... en même mot faire de l'éducation populaire et converger vers une revendication unique : la démocratie approfondie

3/ Quelle visée collective pour libérer la puissance associative ?

PREMIÈRE PROPOSITION : viser, revendiquer, obtenir un agrément transversal d'éducation populaire (à tous les niveaux de collectivité publique du national au local)
Ce référentiel d'éducation populaire serait procédural (à la différence d'un label qui fournit une sorte de "to do list" de ce qu'il faut faire) dans le sens où il serait basé sur une série de quatre questions de référence :
- comment l'action de l'association en question contribue à développer l'associationnisme ?
- comment l'action de l'association en question mobilise-t-elle les droits humains ?
- comment l'action de l'association en question élabore un point de vue critique sur les désordres établis ?
- comment l'action de l'association en question vise une transformation systémique (sociale, culturelle, économique, politique)

En belgique francophone, existe un prototype avancé de ce type d'agrément depuis 1976 et un décret important sur l'éducation permanente/populaire ()révisé en 2003 puis en 2018.)
Ces 4 questionnements constituent le référentiel de l'action l'éducation permanente/populaire mais attention, l'idée centrale est ne pas cantonner cette approche à ce qui serait un secteur ad hoc nommé "éducation populaire"... Parmi les quelques 300 associations qui entrent dans le champs de ce décret, on trouve des structures oeuvrant dans différents domaines d'activités :des associations de santé communautaire, des associations d'éducation à l'environnement, des associations centrées sur d'économie solidaire, des associations de quartiers, de solidarité internationale, qui militent sur le droit au logement ou dans le champ de l'aide sociale ou encore de la santé mentale...

Notre prochain combat est de faire reconnaitre qu'en basant leur travail sur cet agrément ces associations explorant de multiples dimensions de l'action publique peuvent permettre d'imaginer que les principes de cet agrément se retrouvent demain au centre de l'ensemble des politiques publiques...

Ce levier est premier car il est struturel au sens où il permet de sortir des appels à projets, de trouver une sécurité de moyen et long terme dans le travail et permet justement de se centrer sur le coeur du travail qui, sans ça, consiste surtout à trouver des financements pour travailler... (ce à quoi condamne la structure de financement par appels à projets)


DEUXIÈME PROPOSITION : créer un crédit-temps de citoyenneté pour toutes les personnes habitant sur le territoire.
Permettre la "démcoratie contributive" comme en parle Joëlle Zask passe par ce type de possibilité (pour rêver et se représenter la chose, on peut imaginer, pour se donner un ordre de grandeur la libération d'une journée par semaine libéré du travail salarié pour investir la démocratie du faire, des communs, des fonctions électives) Cette journée assure des revenus et des droits.




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